Güemes
Güemes est un petit village perdu en Cantabrie, néanmoins très connu des pèlerins qui fréquentent le Chemin du Nord.
La raison ? : le "Padre Ernesto". L'albergue se situe dans la maison natale du Père Ernesto : les chambres ouvrent sur une pelouse qui incite à la détente (s'il ne pleut pas!!!), la vaste bibliothèque renferme les diapositives, les photos, les écrits d'Ernesto, les livres d'or remplis de remerciements et la salle à manger accueille les pèlerins dans la pure tradition des repas communautaires. Un hospitalier raconte aux pèlerins, rassemblés dès 18h, la vie d'Ernesto : prêtre ouvrier, missionnaire (sa Land-Rover fière de ses 700.000 kilomètres sur tous les continents est encore toute fringante!) et maintenant prêtre ouvrier œuvrant pour les enfants, les démunis, les prisonniers.
Le Padre Ernesto reste en retrait de cette présentation, du repas, fatigué par un problème de santé depuis deux ans.
Cependant, à l'issue du dîner, il propose de le retrouver dans l'ermitage pour nous décrire les peintures qui ornent l'intérieur de ce petit édifice. Cette fresque fait partie des premières image du diaporama de notre association réalisé en 2015, qui porte le même nom que la fresque : "chemin de vie". Pendant un quart d'heure, il nous explique comment les choix de vie conduisent à la liberté, le tout dans des termes plus humanitaires que religieux.
A l'issue de cet entretien, je vais vers lui, me présente, et lui confie que cette fresque figure dans notre film. Le lendemain, au petit-déjeuner, Padre Ernesto me tend une enveloppe sur laquelle figurent mon nom et prénom, afin que j'y inscrive mon adresse. A l'intérieur, il a glissé trois documents plastifiés : les fresques, sa vision du chemin de vie et les commentaires du peintre mexicain sur ce point de vue.
Je suis émue, bouleversée de tant d'attentions, du temps qu'il a consacré pour rechercher une petite française parmi trente-cinq pèlerins ce soir-là.
La magie du Chemin, diront certains ? Non, l'esprit du Chemin, avec l'écoute de l'autre, l'ouverture à l'autre, les bras ouverts.
Merci Padre Ernesto.
Dominique Furphy novembre 2016
Bayonne - Santiago par le Camino del Norte et le Camino primitivo
Nous voici à nouveau de retour de Santiago, et voici quelques impressions que nous avions envie de faire partager aux membres de l’association.
Cette année 2011, nous sommes partis de Bayonne le 10 mai et nous avons suivi la « voie du Nord » et, surtout, à partir de Santander, le « Camino Primitivo ».
Le parcours s’est avéré très différent du Camino Frances, mais après ce «coup d’essai» réalisé en 2010, ce fut un régal quotidien.
La première moitié du chemin, nous avons suivi la côte, avec son mélange de villes touristiques, de zones industrielles et, en permanence une côte très découpée, avec ces roches « empilées comme
des assiettes » qui lèchent la mer ou bien encore ces « bufons », c'est-à-dire des cavernes dans lesquelles la mer s’engouffre à grand renfort de bruit. Un régal permanent….
Puis nous avons laissé la majorité des « pérégrinos » autre qu’espagnol et majoritairement des allemands, continuer par la côte et nous avons emprunté le chemin primitif.
Nous avons alors marché sur les pas d’ Alphonse II qui, vers 826, a fait le premier pèlerinage vers Santiago et a ensuite incité à la création de petits ermitages où de beaux monastères pour
accompagner les pèlerins.
Ce chemin est plus « sportif » puisqu’il traverse des zones montagneuses et que nous avons été plusieurs jours au-delà de 1000 mètres.
Le Camino Francès lui a été, par la suite, préféré, peut-être pour cette raison ?? Mais ceci fait qu’il est resté dans une certaine pureté et que nous avons eu l’impression de mettre nos pas dans
ceux de nos ancêtres du IXème au XIIème siècles : les nombreux ermitages sont restés de tous petits édifices avec de modestes et chaleureux retables en bois. Dans les quelques gros monastères
nous avons découverts avec émotion l’art « pré-roman », marqué des influences arabes. Le plus notable étant le monastère de San Salvador de Valdedios, perdu au fond d’une vallée, où nous avons
été hébergés pour une nuit.
A trois reprises, nous nous sommes arrêtés une journée afin de visiter des lieux :
- le village de Santillana del Mar, avec le monastère et les grottes d’ Altamira,
- Oviedo avec la cathédrale, les reliquaires et le musée, le musée d’art contemporain, et les sites pré-romans du palais de Naranco, transformé en église, ainsi que l’église de San Miguel de
Lillo,
- Lugo, cité romaine qui reste entourée de ses murailles : de nombreux musés dont celui des murailles ainsi que le site romain de Sainte Eulalie, à 15 km ( il faut faire un écart de 5 km x 2 pour
y aller, mais c’est un lieu incontournable, de notre point de vue).
Puis nous avons revu avec beaucoup de plaisir Santiago : le recul d’une année nous a permis de l’apprécier encore plus …
Voici pour quelques nouvelles : nous souhaitons à chacun un bon chemin sur les sentiers de la vie … qui passent ou non par Saint Jacques de Compostelle !
Anne Marie Ribardière et Jean Claude Trussart le 25 juillet 2011
Bayonne - Santiago - Fisterra
par le Camino del Norte
et le Camino Primitivo
Suite à la préparation d'interview pour Radio Accords, j'ai essayé de faire une synthèse de mon chemin fait en 2009 .
Après 970 km en 50 jours de marche, je suis bien arrivé à Santiago et ensuite Fisterra, la fin du monde. Et ceci malgré une arthrite aiguë douloureuse au pied , malgré un genou qui, à la fin,
n'avait plus envie de faire des efforts et malgré des moments de détresse, des moments où je me demandais ce que je faisais sur ce chemin, malgré tout cela, je suis arrivé heureux et satisfait …
Mon premier tampon sur mon credencial, je l'ai obtenu le 17 aout 2009 à 15 heures à la Cathédrale de Bayonne.
Le chemin coté Français, de Bayonne à Hendaye par le sentier du littoral, ce fût la galère : mal indiqué, beaucoup de bitume, routes bondées; et difficile à trouver un lit à un prix
abordable.
Quel soulagement de retrouver la flèche jaune à Irun!
J'ai fait le Camino del Norte, par la côte Basque, Cantabrique et Asturienne, et le Camino primitivo, le chemin initial qui relie le Camino del Norte avec le Camino Frances, que j'avais parcouru,
il y a 2 ans. A Lugo, mon copain Eric m'a rejoint pour faire les derniers 100 km ensemble.
Le Camino del Norte est très physique mais beau, beau, beau. J'ai marché tout au long de la côte Basque, Cantabrique et Asturienne avec ses falaises rudes, ses plages bondées de vacanciers
(expérience un peu spéciale) et ses surfeurs qui profitent d'une mer houleuse. J'ai marché dans des vallées désertes, tout seul pendant des journées entières avec seulement les oiseaux, les
vaches, les brebis et souvent avec une petite rivière comme compagnons. Mon arrivée était souvent annoncée par les corbeaux. J'ai traversé des forêts d'eucalyptus, de pins ou de châtaigniers.
Toujours tout seul en espérant que le chemin pris serait le bon. J'ai traversé des zones montagneuses par des petits chemins avec des dénivelés importants. C'est surtout la descente qui est
pénible. Je pense à la descente de 7 km de La Mesa à Grandas de Salime pour un dénivelé de 800m, aïe aïe les genoux!
Il y avait aussi du béton et du bitume, cela est moins agréable. Mais globalement cela a été une belle aventure et un bonheur de pouvoir vagabonder en solitaire, je vous le dis, cela vide
l'esprit de beaucoup de superflu.
J'ai vu aussi comment l'homme détruit cette belle nature avec la construction d'autoroutes, des collines sont déplacées, des viaducs monstres défigurent des villages paisibles. Il ne faut pas
être un écologiste ardu pour se poser des questions sur des méga projets, inquiétant!
J'ai vu le dépeuplement de beaucoup de régions à l'intérieur de la Cantabrie et des Asturies, des maisons délaissées ou en ruine. J'ai été étonné des ressemblances entre la Galice et la
Bretagne.
J'ai vu des effets de la crise économique : des nouveaux quartiers construits mais pas finis, délaissés, beaucoup de maisons neuves à la vente, résultat d'une boulimie de projets
immobiliers....(suite ci-dessous)
Il y avait peu de monde, peu d'alberges sur ce chemin, tout le contraire du Camino Francès que j'ai rejoint à Melide à 50 km de Santiago. Là, j'ai regretté la solitude du Camino Primitivo ou il
fallait s'organiser pour dormir, être attentif au fléchage mais tout cela ne m'a jamais posé trop de problèmes. Le Camino Frances était bondé de pèlerins. Santiago accueillait en cette période
700 pèlerins par jours!
Parlons des "albergues". Globalement les Alberges étaient de bonne qualité, bien sûr j'ai rencontré quelques endroits avec des problèmes d'hygiène. J'ai vu des pèlerins avec des fortes allergies
après avoir été piqués par des punaises. On prend ses précautions ! Des fois j'ai dû aller dormir dans des petites pensions, mais chaque fois je regrettais l'ambiance de "l'albergue"!
J'ai eu de la pluie, de la pluie fine, des pluies torrentielles et la boue qui va avec. Cela n'est pas agréable, mais on s'y fait. Tant qu'on peut sécher ses affaires, ça va. Je me suis toujours
débrouillé pour m'en sortir sans dégât.
Et puis il y a ces moments inattendus plein d'émotion, ceux là valent de l'or : je pense à une rencontre intéressante avec des membres d'une secte qui m'ont nourri, hébergé dans un tipi, je pense
à Diego, un mexicain, tatoué et plein de piercings, mais d'une bonté ... je pense au lever de soleil à Güemes , bol de café en main, accompagné de la musique de Vivaldi chez Don Ernesto, un
prêtre plus que généreux... je pense à Ulli et Linda, deux jeunes filles qui me considéraient comme leur « camino-papa » … je pense à Pino qui a tout abandonné pour aller à Santiago et
ensuite à Jérusalem... je pense a Grégorio, (américain, 73 ans) qui veut encore changer le monde... je pense à Cyril, plein de chagrin d'amour et de rage , qui espérait retrouver la paix pour
reprendre le fil de sa vie...je pense à Petra et Hanne..etc et j'en oublie...
Il y a les anecdotes comme cette caissière tout étonnée de voir un pèlerin acheter une grande boite de protège-slip! Oui, des protège-slip de femme pour mettre dans mes chaussures de marche pour
absorber l'humidité des pieds! Et ca marche, je vous le dis!
Traverser la Puerta del Camino et voir la cathédrale de Santiago, ce sont des fortes émotions, il faut l'avoir vécu pour le savoir, cela ne s'explique pas. Forcément, j'ai pensé à ma première
expérience avec mon très ami cher Roger, rencontré sur mon premier chemin et devenu ami pour la vie.
J'ai perdu du poids (10 kg) mais j'ai gagné mentalement. Marcher en solitaire, être le seul responsable de son destin, cela m'a marqué. J'ai la preuve que vivre en symbiose avec la nature, avec
un sac à dos de 9kg et avec moins de 30€ par jour qu'on peut être très heureux. J' étais tout de même un peu fatigué, mais satisfait et habité avec une paix intérieure que je ne peux pas
expliquer...
C'est pour retrouver cette paix intérieure que je reprendrai mon bâton de pèlerin!
Ultreïa.
Guy Van Den Bossche février 2010